Le licenciement au regard de la loi marocaine.

Ahmed Morsad

Posted by on 11 Avril 2023

1 – Le degré de gravité de la faute : Quels effets juridiques ?

Le code de travail marocain a défini les motifs légitimes de licenciement du salarié  , ces derniers , sont soit fondés sur le fonctionnement de l’entreprise tels en cas de structuration , de fermeture ou motif économique , ou encore  liés essentiellement aux aptitudes et  conduites du salarié au sein de l’entité , et qui sont la faute grave ou le cumul des sanctions disciplinaires suite à des ‘ fautes non graves ‘ .

L’article 39 du code de travail a dressé une liste non exhaustive de fautes considérées comme des fautes graves et stipule comme suit :

« Sont considérées comme fautes graves pouvant provoquer le licenciement du salarié:

  • le délit portant atteinte à l’honneur, à la confiance ou aux bonnes mœurs ayant donné lieu à un jugement définitif privatif de liberté;
  • la divulgation d’un secret professionnel ayant causé un préjudice à l’entreprise;
  • Le fait de commettre les actes suivants à l’intérieur de l’établissement ou pendant le travail:

-le vol;

-l’abus de confiance;

-l’ivresse publique;

-la consommation de stupéfiants;

-l’agression corporelle;

-l’insulte grave;

-le refus délibéré et injustifié du salarié d’exécuter un travail de sa compétence;

-l’absence non justifiée du salarié pour plus de quatre jours ou de huit demi-journées pendant une période de douze mois;

-la détérioration grave des équipements, des machines ou des matières premières causée délibérément par le salarié ou à la suite d’une négligence grave de sa part;

-la faute du salarié occasionnant un dommage matériel considérable à l’employeur;

-l’inobservation par le salarié des instructions à suivre pour garantir la sécurité du travail ou de l’établissement ayant causé un dommage considérable;

-l’incitation à la débauche;

-toute forme de violence ou d’agression dirigée contre un salarié, l’employeur ou son représentant portant atteinte au fonctionnement de l’entreprise.

Dans ce cas, l’inspecteur du travail constate l’atteinte au fonctionnement de l’établissement et en dresse un procès-verbal. »

 

Il y’a lieu d’énoncer que compte tenu du caractère indicatif de l’article 39 , la notion de «  Faute grave » , son champ d’application ainsi que son interprétation repose sur le pouvoir souverain du juge, et ce, en se basant sur les circonstances propres à chaque situation.

Il ressort également de la jurisprudence que la gravité du fait reproché doit rendre impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise. C’est pourquoi on parle de licenciement sans indemnités ni préavis”.

 

2 – Modalités de rupture du contrat à durée indéterminée

Le contrat de travail à durée indéterminée peut cesser par la volonté de l’employeur, comme il peut cesser par la volonté du salarié au moyen d’une démission portant la signature légalisée par l’autorité compétente .

Néanmoins, si la rupture émane de la volonté de l’entreprise , cette rupture est soumise à plusieurs conditions de forme et de fond selon la légitimité ou non du motif objet du licenciement .

L’article 62 du code de travail stipule à cet égard comme suit :

« Avant le licenciement du salarié, il doit pouvoir se défendre et être entendu par l’employeur ou le représentant de celui-ci en présence du délégué des salariés ou le représentant syndical dans l’entreprise qu’il choisit lui-même dans un délai ne dépassant pas huit jours à compter de la date de constatation de l’acte qui lui est imputé.

Il est dressé un procès-verbal à ce propos par l’administration de l’entreprise, signé par les deux parties, dont copie est délivrée au salarié.

Si l’une des parties refuse d’entreprendre ou de poursuivre la procédure, il est fait recours à l’inspecteur de travail. »

 

Ainsi , Conformément à l’article 62 du Code du Travail, lorsque la faute grave est constatée, commence un délai de huit 8 jours au cours duquel l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable afin de lui permettre de s’exprimer quant aux faits reprochés, d’exercer son droit de défense et de parole.

La convocation du salarié doit se faire par écrit et comporter les faits qui lui sont reprochés, la date et l’heure de la séance d’audition ( De préférence une marge de  48h minimum entre la notification et la date de l’audition ), le siège ou le lieu de la séance (qui doit en principe être le siège de l’entreprise) ainsi que son droit de se faire assister par un délégué des salariés ou par un représentant syndical de son choix.

Il est à rappeler que la convocation doit se faire contre accusé de réception afin de consolider la preuve de sa transmission.

 

Au cours de la procédure d’audition, les parties doivent être présentes afin d’échanger de vive voix sur les faits reprochés au salarié et lui permettre ainsi d’exercer de façon effective son droit de parole et son droit de défense.

A la fin de la procédure d’audition, un procès-verbal est dressé par la société, dûment signé par les deux parties et une copie en est délivrée au salarié.

Ledit procès-verbal doit être établi sous forme de compte rendu, il doit faire état de l’ensemble de la procédure d’audition et comporter tant les motifs de licenciement soulevés par l’employeur que les faits allégués par le salarié pour se défendre.

En cas de refus du salarié de signer le procès verbal , l’employeur doit obligatoirement recourir à l’inspection du travail pour solliciter son intervention, sous peine que la procédure de licenciement ne soit viciée , comme précisé au dernier alinéa de l’article 62.

L’article 63 du code de travail stipule comme suit :

« La décision des sanctions disciplinaires prévues à l’article 37 ci-dessus ou la décision de licenciement est remise au salarié intéressé en mains propres contre reçu ou par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de 48 heures suivant la date à laquelle la décision précitée a été prise. »

Malgré les multiples jurisprudences contradictoires quant au début des 48heures suivant la date de la décision de licenciement , il est de coutume de prendre en considération la date de l’audition d’écoute , comme date de prise de décision.

L’article 64 du code de travail énonce comme suit :

« Une copie de la décision de licenciement ou de la lettre de démission est adressée à l’agent chargé de l’inspection du travail.

La décision de licenciement doit comporter les motifs justifiant le licenciement du salarié, la date à laquelle il a été entendu et être assortie du procès-verbal visé à l’article 62 ci-dessus.

Le tribunal ne peut connaître que des motifs mentionnés dans la décision de licenciement et des circonstances dans lesquelles elle a été prise. »

 

La rédaction de la lettre de licenciement revêt donc un intérêt tout particulier.

Dans ce sens, doivent figurer dans la lettre de licenciement les éléments non limitatifs suivants :

  • les motifs clairement évoqués justifiant le licenciement du salarié,
  • la date d’audition du salarié,
  • le rappel que sous peine de déchéance, l’action en justice concernant le licenciement doit être portée devant le tribunal compétent dans un délai de 90 jours à compter de la date de réception par le salarié de la décision de licenciement,
  • l’information faite au salarié de ses droits découlant de la cessation de la relation de travail, notamment son droit à recevoir son solde de tout compte ainsi qu’un certificat de travail.
  • une copie du procès-verbal doit être jointe à cette décision de licenciement , et ce lors de la notification du salarié ou encore lors de la notification de l’inspection de travail .

 

Nonobstant la gravité des faits reprochés au salarié, tout manquement à la procédure de licenciement telle que décrite ci-dessus a pour conséquence de considérer le licenciement comme abusif donnant ainsi droit au salarié à l’ensemble des indemnités de licenciement.

La qualification de la faute commise par le salarié importe peu dans la mesure où le caractère irrégulier de la procédure est constaté, conformément à l’adage « la forme l’emporte sur le fond ».

 

3 –la présence de l’huissier de justice à l’audition d’écoute

La circulaire n° 122/17 du ministère du travail et de l’insertion sociale s’est penché brièvement à cette question en énonçant que la seule condition pour que la présence de l’huissier de justice soit légale est de recourir au président du tribunal de première instance et obtenir une ordonnance pour cette fin.

Néanmoins , la jurisprudence avait un autre avis concernant ce point , puisque la cour de cassation dans diverses décisions considérait la présence de ce dernier comme atteinte aux droits personnelles du salarié et au secret professionnel au niveau de l’employeur .

A titre d’exemple , la décision de la cour de cassation n : 436-1 en date du 19 mars 2019 , dossier n : 1048/5/1/2018 qui stipule comme suit :

« – la présence de l’huissier de justice à l’audition d’écoute constitue une violation aux dispositions de l’article 62 du code de travail.

  • Atteinte aux droits personnelles du salarié et au secret professionnel au niveau de l’employeur – Oui . »

 

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